7 h 30. Ding ! La sonnerie retentit. L’estomac de Claire se noue. Tandis qu’elle tend la main vers son téléphone, elle a le sentiment d’être une boxeuse qui se dirige vers le ring. Ça ne loupe pas : une notification de son chef.

« Tu as intérêt à mettre plus de maquillage à notre prochaine réunion Zoom. »

Ça, c’est un coup bas. Jusqu’ici, elle s’est protégée comme elle a pu, mais ce dernier message lui inflige un sévère KO émotionnel.

Ce commentaire offensant envoyé par le supérieur de Claire peut sembler scandaleux, mais il est bien réel et fait partie des nombreux messages agressifs que nous avons recueillis au cours de notre étude.

Nous savons que, de manière générale, de nombreux travailleurs et travailleuses connaissent une situation de conflit au travail. Mais qu’en est-il du monde relativement nouveau du télétravail ? Notre recherche de données récentes sur les conflits rencontrés dans le cadre du travail à distance n’ayant rien donné, nous avons souhaité en savoir plus sur ce sujet encore peu documenté avant d’être coiffés au poteau.

Plus précisément, nous cherchions à savoir :

  • Qui rencontre des conflits en télétravail et contre qui.
  • Quelle est la source des désaccords.
  • Si ces prises de becs virtuelles sont sanctionnées.
  • Et si elles engendrent des conséquences graves.

Nous avons décidé d’interroger 1 000 employés à ce sujet. Ayant rassemblé des milliers de données, il nous a semblé important de lever le voile sur ce problème bien trop courant. Car le cas de Claire n’est pas isolé.

Une place aux premières loges pour les conflits de nos répondant·e·s

Notre étude, nous a permis d’observer les rixes de très près, et la vérité nous a sauté aux yeux à tel point que nous avons évité le cocard de peu : 80 % des personnes travaillant à distance ont déjà été confrontées à une situation de conflit dans le cadre professionnel. Et nombre d’entre elles ont déjà reçu des textos dignes du trash-talking des véritables combats de boxe.

Comme indiqué précédemment, les données en matière de conflits en télétravail sont rares et il est donc difficile de dire si ce type d’opposition est aussi courant que les disputes se déroulant sur site. Cependant, le rapport mondial sur le capital humain du Center of Psychological Press (CPP), qui s’appuie sur une étude commandée en 2008 et portant sur 5 000 employé·e·s en Europe et en Amérique, indique que « 85 % des employé·e·s de tous niveaux font l’expérience de conflits ». Nos résultats sont légèrement inférieurs à ceux de l’étude, ce qui pourrait suggérer que les conflits à distance sont un peu moins courants.

Toutefois, étant donné l’ancienneté de l’étude du CCP, il serait imprudent de la comparer de trop près à la nôtre. La seule conclusion que nous pouvons en tirer en toute confiance, c’est que les conflits en milieu professionnel sont monnaie courante.

étude statistique sur les personnes impliqués dans les conflits en télétravail

ROUND 1 : Qui sont les poids lourds des conflits en télétravail ?

LLlleeet’s get rrreaadyy to ruummbllllee!!

Oui, les conflits sur le lieu de travail sont un sujet sérieux et inquiétant, mais nous ne pouvions pas nous empêcher de faire cette référence.

Nous souhaitions savoir qui sont les « poids lourds » des conflits en télétravail.

Étonnamment, le genre n’a pas grande influence dans ce domaine :

82 % des hommes interrogés ont déjà rencontré des conflits en télétravail, contre 80 % des femmes.

Qui dit études supérieures dit adultes capables de prendre des décisions avisées et de manifester leurs désaccords calmement… N’est-ce pas ? Pas forcément. Parmi les personnes interrogées, les titulaires de diplômes universitaires sont bien plus souvent impliqué·e·s dans des conflits à distance que les participant·e·s ayant une formation moins longue. À vrai dire, sans vouloir vous noyer dans un jargon de statisticien, il y a une corrélation positive entre le niveau de formation et la probabilité de prendre part à un conflit à distance.

En clair, plus une personne est diplômée, plus elle est susceptible d’entrer en conflit. Pourquoi ? C’est la grande question. Les affrontements entre titulaires de doctorats portent peut-être sur des concepts philosophiques et existentialistes, comme savoir si la célèbre affirmation de Descartes, « Je pense donc je suis »”, représente bien le sens de la vie ?

  • Master ou doctorat : 87 %
  • Licence : 83 %
  • Niveau universitaire sans diplôme : 73 %
  • Niveau bac : 63 %

Nous savons à quel point les conditions de travail du personnel soignant sont éprouvantes. Il n’est donc pas étonnant que le secteur de la santé soit le plus majoritairement exposé aux conflits. Les professionnel·le·s de ce domaine sont bien plus souvent impliqué·e·s dans des disputes que les personnes travaillant dans l’éducation.

  • Santé : 23 %
  • Commerce et finance : 21 %
  • Production industrielle : 13 %
  • Informatique : 12 %
  • Education : 9 %

ROUND 2 : Qui affronte qui et pourquoi ?

Dans la plupart des cas décrits (65 %), les conflits ont eu lieu entre collègues. Cependant, 19 % des participant·e·s ont connu un désaccord virtuel avec un·e supérieur·e. Qu’il s’agisse simplement d’un cas de mauvais management ou non, cela reste à voir. Un conflit avec un·e chef·fe peut être une expérience particulièrement pénible (nous consacrons un round à ce sujet, patience !) Une petite partie des personnes interrogées (11 %) s’est disputée avec un·e manager externe et 5 % avec un·e employé·e travaillant dans une autre entreprise.

Mais pourquoi tant de haine ? Il y aurait trois principales sources de conflit, à proportion quasi-égale :

  • Le stress lié au travail : 25 %
  • Le manque de travail en équipe : 25 %
  • Les comportements grossiers : 22 %

Certain·e·s participant·e·s, qui ont eu le sentiment qu’on leur mentait, ont évoqué un « manque de transparence/d’honnêteté sur un sujet important » (18 %). Des« valeurs opposées » ont engendré 9 % des désaccords, tandis que seuls 2 % des conflits ont été provoqués par une « fausse accusation ».

On pourrait se demander si les vétérans et les employé·e·s de la génération X en ont assez de faire des efforts avec leurs collègues : cette proportion de la population est bien plus souvent impliquée dans des conflits liées à un manque d’esprit d’équipe que les Millennials moins expérimenté·e·s.

Les types d’employé·e·s concerné·e·s par un conflit lié à un mauvais travail en équipe

  • 20 ans d’expérience et plus : 43 %
  • 11-20 ans d’expérience: 30 %
  • 3-5 ans d’expérience: 25 %
  • 6-10 ans d’expérience : 22 %
  • 1-2 ans d’expérience: 21 %
  • Génération X: 33 %
  • Millennials: 28 %

Et que font ces télétravailleurs face à un manque de cohésion d’équipe ? Puisqu’une conversation entre quatre yeux avec la personne problématique est impossible, ils se mettent à pianoter sur leur clavier ou leur écran. Nous étions curieux quant aux plateformes les plus utilisées lors d’un conflit.

ROUND 3 : App-gression. Quelles sont les plateformes les plus utilisées pour les échauffourées virtuelles ?

Nous avons posé la question aux participant·e·s. Une majorité (46 %) a cité une application de messagerie instantanée utilisée en milieu professionnel, comme Slack, Google Hangouts ou Trello. Slack a la réputation d’un environnement tranquille, mais quand vos interactions virent en attaques ponctuées d’insultes, l’application n’a plus rien d’agréable. Une application de visioconférence avec une interaction verbale a servi de plateforme pour 37 % des conflits. Dans 11 % des cas, c’est une application de messagerie non professionnelle qui a été employée, tandis que seules 6 % des personnes interrogées ont exprimé leur désaccord par écrit sur une plateforme de visioconférence.

Nous avons demandé aux participant·e·s quel était le pire message qui leur a été adressé lors d’un conflit à distance. Les 1 376 commentaires que nous avons reçus ne volent peut-être pas comme le papillon, mais ils piquent bel et bien comme l’abeille. Nombre d’entre eux ne sont ni plus ni moins que des injures et insultes.

Un grand nombre de participant·e·s a également évoqué une humiliation en public. L’une des répondantes dit avoir été « torturée » par son ou sa supérieur·e devant ses collègues pour une « mauvaise présentation ».

De plus, certains commentaires sont clairement racistes et sexistes, de quoi porter plainte pour harcèlement ou discrimination. En France, les sanctions pour ce type de délits sont sévères :

  • 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende pour harcèlement moral.
  • 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende pour discrimination.

À ces coûts s’ajoutent les éventuels dommages et intérêts versés aux victimes. L’addition risque donc d’être salée.

Quelques femmes disent avoir reçu des commentaires sur leur poids. Une autre a déclaré que ses connaissances technologiques avaient été remises en question du fait de son genre. Une femme afroaméricaine a partagé son expérience : « On m’a accusée de me servir de mes origines pour m’attirer les faveurs des RH. »

Parfois, ces mots blessants reviennent frapper leurs auteurs comme un retour d’uppercut. Beaucoup d’employé·e·s semblent oublier en effet que leurs cibles ne sont pas les seules à pouvoir lire leurs messages et que ces derniers peuvent leur attirer des ennuis.

Nous avons souhaité savoir combien de nos répondant·e·s avaient reçu des sanctions pour leurs disputes virtuelles. Le résultat est colossal : 62 % des personnes interrogées ont subi des répercussions de la part de leurs supérieurs.

La proportion de sanctions liées à un conflit en télétravail par secteur d’activité

  • Industrie manufacturière : 46 %
  • Informatique : 44 %
  • Commerce et finance : 41 %
  • Éducation : 26 %
  • Santé : 19 %
  • Gouvernement/ONG : 15 %

Les années d’expérience semblent être elles-aussi un facteur déterminant.

Curieusement, si les vétérans constituent la proportion des répondant·e·s la plus souvent impliquée dans des conflits reposant sur un manque de cohésion (43 %), c’est également la population la moins susceptible d’être sanctionnée pour ses prises de bec en milieu professionnel. Seul·e·s 13 % des employé·e·s ayant au moins 20 ans d’expérience ont connu des répercussions liées à un conflit en télétravail. Cette proportion atteint 53 % chez les employé·e·s ayant 6 à 10 d’expérience et 23 % chez les débutant·e·s (1 à 2 ans).

Vous vous demandez sûrement en quoi consistent ces répercussions.

Dans 53 % des cas, il s’agissait d’une réprimande ou d’un avertissement. Pour 33 % des personnes concernées, la sanction a pris la forme d’un licenciement, tandis que 14 % ont choisi l’option « rien d’important » pour décrire les conséquences, ou l’absence de conséquences, de leur comportement.

Nous ne nous attendions pas à un nombre aussi élevé de licenciements. Le nombre de réprimandes et d’avertissements pourrait quant à lui suggérer que les superviseurs et superviseuses font des efforts pour réduire ces situations. En cas de conflit, il est parfois plus efficace d’intervenir que de laisser faire, en particulier si le harcèlement semble faire partie de l’équation.

ROUND 4 : Boss vs. Employé·e : comment se déroulent les conflits entre managers et subordonné·e·s ?

Le patron, le big boss, le taulier.

Celui (ou celle) à qui il ne faut pas se frotter.

Jusqu’au jour où la guerre est déclarée par messages interposés.

La perspective d’un conflit avec un·e supérieur·e peut provoquer une peur primale. Face à une personne plus puissante que vous, vous avez parfois le sentiment d’être la proie face au prédateur. C’est votre adversaire qui a le pouvoir, pas vous. Un faux-pas lui suffit pour vous détruire en prononçant ces mots tant redoutés : « Tu es viré·e. »

Il était donc crucial de consacrer une section de notre sondage à ce type de conflit particulièrement stressant et délicat.

Parmi les résultats marquants on peut noter que 36 % des répondant·e·s, soit 488 personnes, ont déclaré que leurs supérieur·e·s étaient trop agressifs dans leurs messages textuels.

« Mon boss m’a dit que j’avais un petit pénis. »

Vraiment ? Était-il bien nécessaire de frapper en dessous de la ceinture ?

Un conflit avec un·e supérieur·e peut vous perturber au point de vous faire détester votre travail.

Nous voulions savoir quelles sont les cibles privilégiées des chef·fe·s.

D’après nos résultats, les hommes (59%) ont été sanctionnés plus souvent que les femmes (48 %) par un·e supérieur·e.

Ces conflits entre supérieurs et subalternes ont connu des issues diverses :

  • Nous avons discuté pour tenter de résoudre le problème. (49 %)
  • Nous n’avons pas essayé de résoudre la situation. (21 %)
  • J’ai quitté mon entreprise à cause de ce conflit. (20 %)
  • Une tierce personne a assuré la médiation. (8 %)
  • Je déteste mon/ma chef·fe et je refuse de lui parler. (1 %)

Le fait que près de la moitié des personnes en conflit avec un·e supérieur·e ont eu l’occasion d’en discuter est encourageant, mais la proportion des démissions (20 %) nuance quelque peu ce bilan.

Vous vous souvenez de la corrélation positive ? Cette fois, il y a une corrélation négative entre l’expérience des employé·e·s et le niveau des sanctions de la part de leurs supérieur·e·s. Ainsi, les personnes ayant plus de 20 ans d’expérience ont été les moins sanctionnées.

  • 6-10 ans d’experience : 79 %
  • 3-5 ans : 65 %
  • 11-20 ans : 37 %
  • 20 ans et plus : 28 %
étude statistique sur les conséquences des conflits en télétravail

ROUND 5 : Peut-on envoyer le conflit au tapis ?

L’heure du dernier round a sonné !

Les conflits en télétravail sont monnaie courante.

Et les employé·e·s en viennent parfois à jeter l’éponge.

Après avoir enduré plusieurs rounds d’un conflit virtuel avec un·e collègue ou un·e supérieur·e, 39 % des répondant·e·s indiquent avoir démissionné ou l’avoir souhaité.

Peut-on contourner ce problème ou atténuer son effet ?

Il n’est pas toujours facile de travailler à distance, surtout lorsque vous êtes en froid avec un·e collègue. Sans la possibilité d’une discussion en face à face, la colère est intériorisée et les messages peuvent être mal interprétés. Il est parfois difficile de comprendre les intentions d’une personne dont on ne voit pas l’expression. Il se peut que vous réagissiez mal aux sarcasmes d’un·e collègue ou d’un·e supérieur·e qui souhaitait simplement vous faire rire. Mais ces sarcasmes peuvent aussi être une forme de harcèlement.

Notons aussi qu’en 2021, certain·e·s de nos répondant·e·s souffraient peut-être d’angoisses liées à la pandémie.

Les personnes interrogées ont lu l’affirmation ci-dessous et ont indiqué si elle correspondait ou non à leur point de vue.

Je crois que le ou les conflits dont j’ai fait l’expérience en télétravail aurai(en)t pu être évité(s) si mon ou ma supérieur·e avait organisé de manière plus proactive nos réunions virtuelles dans un environnement sain.

  • D’accord : 37 %
  • Sans opinion : 26 %
  • Tout à fait d’accord : 14 %
  • Pas d’accord : 13 %
  • Pas du tout d’accord : 11 %

La plupart des personnes interrogées estiment que leur supérieur·e·s aurait pu prendre des mesures pour éviter ces conflits, qui peuvent parfois s’envenimer et devenir de véritables batailles juridiques. Un procès est très chronophage et la productivité risque d’en pâtir. La plupart des conflits en milieu professionnel n’atteignent pas ce stade, mais lorsque c’est le cas, comme nous l’avons vu, les coûts sont élevés.

Les managers et les responsables RH ont le pouvoir d’apaiser les conflits avant qu’ils ne dérapent. Et peut-être que certain·e·s employé·e·s devraient essayer d’absorber les premiers coups. Si vous n’êtes pas certain·e que le message que vous venez de recevoir est une attaque, il est plus judicieux de demander des explications plutôt que de monter directement sur le ring.

Investir dans la gestion des conflits sur le lieu de travail et la formation à la communication peut être un excellent moyen de désamorcer un échange de piques amicales avant qu’il ne se transforme en un combat digne de l’UFC.

Méthodologie

Nous avons interrogé 1 001 répondant·e·s sur leur expérience des conflits en télétravail grâce à un outil sur mesure de sondage en ligne. Toutes les personnes interrogées ont répondu avec succès à une question destinée à évaluer leur attention. Cette étude est l’aboutissement de plusieurs étapes de recherche, d’appel à participation et de sondage.

Limites

Les données que nous présentons s’appuient sur des autoévaluations. Toutes les personnes interrogées ont lu et répondu à chaque question sans recherche administrative ni interférence. Les problèmes potentiels liés aux données autodéclarées sont nombreux (par exemple, la mémoire sélective, la condensation, l’attribution ou l’exagération).

Certaines questions et réponses ont été reformulées ou condensées pour faciliter la lecture et la compréhension. Dans certains cas, le total des pourcentages présentés n’est pas égal à 100. Cela peut être dû à un arrondissement des chiffres, à leur intégration dans une statistique plus grande ou à la non présentation des réponses telles que « aucun »”, « je ne sais pas », « je ne suis pas sûr·e », etc.

Déclaration d’utilisation équitable

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Nino Brover

Nino Brover

Rédacteur Web en psychologie du travail

Rédacteur et traducteur, Nino se passionne depuis toujours pour l’écriture sous toutes ses formes, de la littérature aux modes d’emploi de machine laver en passant par le sous-titrage de films documentaires et de vidéos promotionnelles. Le monde de l’emploi fait partie de ses (très) nombreux centres d’intérêt.